Peindre le corps par les rayons
- Lise Tran
- 2 juil.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 août
Afarine Madani (22/02/2025)
l y a 130 ans, Wilhelm Röntgen découvre par hasard les rayons X, un rayonnement invisible capable de traverser la matière et de révéler l’intérieur du corps humain, ce qui lui vaudra le premier prix Nobel de physique en 1901. Le premier cliché radiographique, réalisé ainsi en 1895, montre la main d’Anna Bertha Röntgen, l’épouse de l’inventeur, où n’apparaissent que ses os et sa bague.

Fasciné, le public surnomme cette découverte « la photographie de l’invisible », entraînant une véritable "X-ray mania", allant de l’usage des rayons X dans les magasins de chaussures à une mode chez les femmes de la haute société, dont la tsarine Alexandra, qui se font radiographier les mains pour admirer l’effet spectaculaire de leurs bagues et bracelets visibles en transparence, mêlant science, élégance et curiosité.
Rapidement, les rayons X inspirent aussi les artistes. Man Ray, artiste surréaliste, invente les rayogrammes, capturant les rayons lumineux du soleil sur papier photosensible, sans appareil photo. Depuis la popularisation des radiographies, beaucoup d’artistes ont été guidés par la réflexion sur ce monde intérieur et transparent représenté par les images médicales. C’est le cas, par exemple, de Francis Bacon, qui utilise un manuel de positionnement radiologique pour ses toiles représentant un corps vivant sous forme de carcasse. Wim Delvoye crée des vitraux gothiques érotiques à partir de radiographies, dans l’espoir d’aller voir au-delà et de découvrir une intimité encore plus profonde du corps et des relations humaines.
De même, des artistes contemporaines comme ORLAN ou Kamand Razavi s’approprient l’imagerie médicale pour interroger le corps et l’identité. En se représentant, elles tentent de se libérer de toute aliénation afin de mieux se réapproprier leur corps. Nick Veasey réalise quant à lui des radiographies de scènes quotidiennes, questionnant la superficialité de notre société obsédée par l’image. En utilisant les rayons X, il tente de dépouiller les couches superficielles pour révéler une beauté intérieure, remettant en question notre fascination pour l’apparence.L’imagerie médicale, en plus de sa fonction diagnostique, devient ainsi une source d’exploration artistique. Angela Palmer crée des sculptures cérébrales en couches de verre, à l’instar de l’imagerie médicale en coupe ; Xavier Lucchesi utilise les scanners pour révéler l’invisible ; Lisa Nilsson transforme des coupes anatomiques en œuvres de papier. Enfin, Gregg Dunn mêle neurosciences et art pour sublimer la complexité du cerveau à travers ses microgravures.
Pour plus de documentation, afarine-mandani@chubruxelles.be.

