Le médecin Anatole Félix Ledouble (1848-1913) et les leçons d’anatomie dans l’art pictural
- Lise Tran
- 1 août
- 3 min de lecture
Jacqueline Vons (22/02/2025)
Anatole Félix, né à Rocroi, s’en vint à Tours pour se former en médecine et en pharmacie. En 1874, il rejoint la société d’anthropologie de Paris et y élabore une thèse relative aux malformations congénitales. Inspiré par les lois de Darwin, il énonce 3 lois éponymes réglant les variations anatomiques tant chez l’homme que chez l’animal. Revenant à Tours en 1878, il devient chef de travaux anatomiques à l’école de médecine, et en 1888 se voit confier la chaire d’anatomie. Entre 1897 et 1903, il publie plusieurs traités sur les variations anatomiques humaines.
Le 25 mai 2013, à l’occasion du centenaire de son décès, la faculté de médecine de Tours acquiert un lot de documents et manuscrits de Ledouble, qui étaient vendus aux enchères. En 2023, le fond est confié à Jacqueline Vons pour explorations et identification. Cette enseignante – chercheur honoraire – s’est entre autres distinguée par la transcription et traduction en français de la Fabrique de Vésale. Dans le fond Ledouble, elle identifie plusieurs liasses de notes manuscrites qui semblaient l’ébauche d’un livre jamais paru. Parmi elles, 21 feuillets rassemblés par le thème de « Leçons d’anatomie » sur le modèle du frontispice du traité de Vésale (1543). Ledouble y commente la dizaine de tableaux de maîtres hollandais sur le thème des leçons d’anatomie, peints aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le professeur note ses commentaires ; il s’est rendu à Amsterdam et par ailleurs a consulté l’ouvrage de Paul Triaire : « Les leçons d’anatomie et les peintres hollandais aux XVIe et XVIIe siècles » (1887). Dans son étude, Jacqueline Vons retranscrit les notes de Ledouble et les commente.
Tableaux des leçons d’anatomie des peintres hollandais
Ces peintures sont des commandes passées par la guilde des chirurgiens d’Amsterdam, qui ambitionne de les exposer dans ses locaux. Tableaux de genre, portraits collectifs, ils s’inspirent d’une coutume observée par différents corps de métier. La photographie remplacera ces souvenirs de groupe.
Parmi les différents chirurgiens, se tient le maître, le « praelector », nommé par la ville pour procéder à la leçon anatomique publique qui avait lieu une fois par an. Près de lui, le cadavre, ou plutôt une partie qui fait l’objet de la démonstration. Cette position d’enseignant symbolise la profession chirurgicale.
Arrêtons-nous un peu sur le plus connu mais aussi le plus réussi par un Rembrandt au faîte de son art : « La leçon du docteur Tulp ». Le maître assis derrière le cadavre fait la démonstration des muscles de l’avant-bras gauche, en particulier le fléchisseur commun des doigts. Les 7 personnages de l’assistance (tous identifiables) sont très attentifs à l’exposé du professeur.
Dans son feuillet 13, Ledouble écrit :
« Ici le disciple saisi, enveloppé par l’éloquence du maître dont il devance la pensée ; au-dessus de lui, un second, les sourcils rapprochés, le front légèrement plissé comme pour mieux graver dans son cerveau les préceptes qu’il entend. Là, celui-ci le corps vivement penché en avant, s’absorbe intensivement dans la contemplation du sujet anatomique pendant que celui-là au troisième plan, doué d’une noble et belle figure, replié sur lui-même, écoute d’une façon méditative, en jetant à la dérobée un regard sur le maître, et que son voisin trop éloigné pour suivre des yeux la démonstration ne lui prête déjà plus qu’une oreille distraite. »

Dans son commentaire, Jacqueline Vons fait état de multiples études contradictoires et de modifications apportées par Rembrandt. Mise à part la région disséquée, l’attention du tableau porte sur les visages des chirurgiens qui bien souvent regardent le spectateur. Tous différents, ils supposent des séances de pose séparées.
De 1603 à 1728, soit du premier au dernier de la série, une évolution picturale s’est accomplie, dans un sens réducteur, vers une « mondanisation » néanmoins admirée par certains.
Rembrandt n’en reste pas moins le plus admirable

Texte entièrement accessible à : https://med.univ-tours.fr/version-francaise/la-faculté/vie-de-la-faculté/histoire/les-carnets-dhistoire-de-la-medecine

